COMMENTAIRES DU LIVRE I - TITRE II


Mentions relatives aux droits des auteurs

Le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur demande aux états, dans son article 12, de prévoir des sanctions contre toute personne qui tenterait de supprimer ou de modifier, sans y être autorisée, l'information relative au régime des droits se présentant sous forme électronique. Ce faisant, l'OMPI reconnaît l'importance de l'information relative aux droits d'auteur et attire ainsi l'attention des auteurs multimédia sur des règles déjà bien établies pour les autres supports de création.

Cette disposition ne doit pas être confondue avec les dispositions relatives à la neutralisation des dispositifs techniques prévues par le décret du 2 février 1996 et par l'article 11 du Traité de l'OMPI.
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Droits moraux sur un logiciel

La rédaction de cet article telle qu'elle résultait de la loi du 3 juillet 1985 pouvait susciter des difficultés.

Sa rédaction actuelle a pour objet de définir et clarifier les limites des droits moraux de l'auteur d'un logiciel, qui comprennent le droit au respect de son nom et de sa qualité, ou droit de paternité, ainsi que le droit au respect de l'oeuvre (art. L. 121-1), le droit de divulgation (art. L. 121-2) et le droit de repentir ou de retrait (art. L.121-4), la portée de ces droits étant limitée en matière de logiciels. Les incertitudes portaient sur l'interdiction faite à l'auteur de s'opposer à l'adaptation du logiciel "dans la limite des droits qu'il a cédés".

Il précise en effet que l'auteur conserve le droit moral de s'opposer à la modification du logiciel lorsque celle-ci est préjudiciable à son honneur et à sa réputation, et qu'une stipulation contraire ne peut être que plus favorable à l'auteur, le droit au respect de l'oeuvre étant inaliénable. Cela permet d'assurer la préservation du droit au respect de l'oeuvre reconnu par la Convention de Berne.

L'interdiction faite à l'auteur d'un logiciel d'exercer son droit de repentir ou de retrait a été par ailleurs maintenue au fil des années; ainsi l'auteur d'un logiciel ne peut, contrairement à l'écrivain ou à l'artiste, retoucher son oeuvre ou mettre fin à sa diffusion après avoir cédé son droit d'exploitation. Le législateur a souhaité faire apparaître clairement, par une mise en facteur commun des termes "sauf stipulation contraire plus favorable à I'auteur", que l'auteur d'un logiciel conserve la possibilité de se réserver par contrat l'exercice du droit de repentir ou de retrait.

Le législateur de 1994 a également eu le souci d'éviter toute contradiction possible entre les dispositions de cet article et celles de l'article L. 122-6 qui définit le droit d'adaptation d'un logiciel comme une composante du droit d'exploitation susceptible d'être cédé. Ainsi a-t-il entendu préciser que la modification du logiciel, à laquelle l'auteur ne peut s'opposer lorsque celle-ci n'est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation, ne peut être le fait que du "cessionnaire des droits mentionnés au 2°. de l'article L. 122-6", à savoir : "la traduction, l'adaptation, l'aménagement ou toute autre modification d'un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant".
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Applicabilité du droit de représentation français à une oeuvre diffusée par satellite


La loi du 27 mars 1997 déclare applicables les dispositions du code relatives au droit de représentation à condition que l'oeuvre télédiffusée par satellite le soit depuis le sol français.

En outre, cette loi étend le champ d'application du code de la propriété intellectuelle en prévoyant que ses dispositions peuvent s'appliquer même si l'oeuvre est émise depuis un Etat tiers dans deux cas (liaison montante faite depuis une station située en france, ou émission commandée par une entreprise de communication ayant son principal siège en France).

Cette disposition vise à assurer une protection uniforme aux oeuvres diffusées sur le territoire européen qu'elles soient ou non étrangères à la communauté.
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La copie de sauvegarde d'un logiciel

Le 2° de l'article L. 122-5 avait été introduit à la suite de la modification du paragraphe II de l'article L. 122-6-1, afin d'éviter toute contradiction entre les dispositions relatives au droit qu'a l'utilisateur d'effectuer une copie de sauvegarde et celles qui prévoient que l'auteur d'une oeuvre divulguée ne peut interdire "les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste".

En effet, le législateur de 1994 a modifié la rédaction de l'article L. 122-5 en aménageant une exception nouvelle au droit d'effectuer une copie à usage privé d'une oeuvre divulguée.
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L'autorisation de faire figurer des oeuvres dans un catalogue de vente aux enchères

Cette disposition de la loi du 27 mars 1997 vise à permettre aux commissaires priseurs de faire figurer des représentations d'oeuvres, destinées à être vendues aux enchères publiques, dans un catalogue.
Cette disposition permet de donner un aperçu aux acheteurs potentiels des oeuvres proposées, sous réserve de faire figurer le nom de l'auteur et la source.
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Droits d'exploitation du logiciel

L'article L. 122-6, dans sa version antérieure reprenant l'article 47 de la loi du 3 juillet 1985, a été supprimé par la loi du 10 mai 1994. Il disposait que "lorsque l'oeuvre est un logiciel, toute reproduction autre que l'établissement d'une copie de sauvegarde par l'utilisateur ainsi que toute utilisation d'un logiciel non expressément autorisée par I'auteur ou ses ayants droit ou ayants cause" était illicite.

Il a été remplacé par un nouvel article qui retranscrit fidèlement les dispositions de l'article 4 de la directive européenne du 14 mai 1991 qui a pour objet de définir précisément le contenu du droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel, droit de caractère patrimonial (et par voie de conséquence les actes interdits à l'utilisateur sans une autorisation de l'auteur).

L'article L. 122-6 actuel définit très précisément les "droits exclusifs" de l'auteur d'un programme d'ordinateur, sous réserve des exceptions prévues aux articles L. 122-6-1 et L. 122-6-2. Contrairement au texte antérieur, la référence explicite à la notion d'utilisation du programme a été supprimée ; cependant, l'utilisation du programme n'est techniquement possible que grâce à une reproduction provisoire.

Ainsi, il précise que le droit de commercialisation se trouve limité par la règle dite de "l'épuisement des droits" qui constitue une conséquence du principe de la libre circulation des produits au sein du marché unique européen et qui a été affirmée par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes comme s'appliquant à l'ensemble des droits de la propriété intellectuelle. Une exception est toutefois prévue afin de réserver à l'auteur le droit de contrôler des locations ultérieures du logiciel ou d'une copie de celui-ci. Cette exception est justifiée par le souci de permettre à l'auteur d'empêcher la réalisation de copies illicites à la faveur d'une location de courte durée.

L'article L. 122-6 reproduit ainsi intégralement, sous réserve de quelques aménagements rédactionnels, les dispositions de l'article 4 de la directive européenne. La définition du droit d'exploitation du logiciel reprend donc les trois catégories de droits : droit de reproduction permanente ou provisoire, droit de traduction ou d'adaptation, droit de distribution (terme auquel le législateur a préféré la formule "mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit", la vente et la location devant être considérées comme constituant des procédés de mise sur le marché à titre onéreux).

Le législateur a également préféré utilisé le terme "d'exemplaire" (d'un logiciel), plutôt que celui de "copie", pour la transcription de la règle communautaire de l'épuisement du droit de distribution. Ce terme ne doit pas être assimilé au seul support physique du logiciel (tel qu'une disquette ou une cassette), la mise sur le marché pouvant également s'effectuer par téléchargement indépendamment du transport de ce support physique. L'objet de la règle communautaire est en effet d'empêcher l'auteur d'interdire la libre circulation dans l'espace européen du logiciel commercialisé, quelle que soit la forme prise par cette circulation.

Il convient de noter que le 3°. de l'article L. 122-6 prend en compte l'élargissement du champ géographique d'application de la règle "d'épuisement des droits", résultant de la ratification de l'accord sur l'Espace Economique Européen qui réunit les Etats de la Communauté européenne, ainsi que l'Autriche, la Finlande, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suède au sein d'une vaste zone de libre-échange.
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Actes autorisés à l'utilisateur

Le texte de l'article L. 122-6-1, qui transcrit de façon quasi littérale les articles 5 et 6 de la directive du 14 mai 1991, énumère les actes que la personne ayant le droit d'utiliser un logiciel, c'est-à-dire ayant obtenu régulièrement le droit d'exploitation, peut accomplir sans l'autorisation de l'auteur.

Les trois premiers paragraphes retranscrivent les dispositions de l'article 5 de la directive, intitulé "Exceptions aux actes soumis à restrictions", tandis que le quatrième paragraphe retranscrit les dispositions de l'article 6 de la directive, relatif à la décompilation, qui constitue la principale innovation par rapport au texte ancien. Enfin, le cinquième paragraphe précise que les dispositions autres que celles du premier paragraphe ne peuvent être combattues par des stipulations contraires et sont donc d'ordre public. Il reprend par ailleurs, en étendant le champ d'application à l'ensemble de l'article, une disposition de la directive portant sur la décompilation, qui rappelle que le texte ne saurait être interprété de manière à porter atteinte à l'exploitation normale du logiciel ou à causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. La portée de cette dernière disposition apparaît cependant peu claire.

Les droits ainsi reconnus à l'utilisateur d'un logiciel sont au nombre de quatre.

Le droit de reproduire et de modifier le logiciel peut être interprété comme un droit à une utilisation normale du logiciel. En effet, l'utilisation d'un logiciel nécessite techniquement une reproduction au moins provisoire et le cas échéant des modifications destinées à corriger des erreurs éventuelles. Conformément à la directive, il pourra être exercé par l'utilisateur sous réserve de stipulations contraires spécifiques. L'auteur peut donc se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer des modalités particulières d'utilisation.

Le droit de faire une copie de sauvegarde, lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l'utilisation du logiciel, est le seul droit qui était explicitement reconnu à l'utilisateur dans le droit antérieur [17].

Le droit d'observer, étudier ou tester le fonctionnement du logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n'importe lequel de ses éléments apparaît évident, les idées n'étant pas protégées par les droits d'auteur et l'utilisateur d'un logiciel étant amené à le regarder fonctionner. Il semble cependant que cette précision la directive ait été apportée afin de couvrir certains procédés techniques spécifiques à l'informatique.

Le droit reconnu à l'utilisateur d'un logiciel de procéder à sa décompilation constitue la principale innovation de la loi du 10 mai 1994 qui soumet cependant ce droit à certaines conditions et restrictions.

La décompilation consiste, à partir du langage employé par la machine pour exécuter le programme (code objet), à retrouver le langage de programmation employé par l'auteur au moment de l'élaboration du logiciel (code source). C'est le processus inverse de la compilation qui permet de transformer les instructions rédigées par l'analyste-programmeur en instructions exécutables par l'ordinateur, ces dernières n'étant lisibles que par la machine et non par l'homme.

La décompilation peut être à l'origine d'un piratage du logiciel car il suffit de procéder à de légères modifications du code source pour aboutir, par la compilation de ce nouveau code source, à un code objet très différent [18].

Elle apparaît cependant indispensable pour permettre l'interopérabilité des logiciels entre eux en les mettant en connexion pour les faire fonctionner ensemble (par exemple, le fonctionnement d'un logiciel d'application dans un micro-ordinateur n'est possible que s'il est interopérable avec le logiciel de base, ou système d'exploitation, utilisé par ce micro-ordinateur). En effet, la réalisation de l'interopérabilité des logiciels nécessite de faire appel aux interfaces, c'est-à-dire aux protocoles de liaison qui permettent de normaliser la communication entre les différents programmes. Or ces interfaces ne peuvent être parfaitement connues que grâce à la décompilation, les informations fournies par les auteurs des logiciels à leur sujet étant le plus souvent insuffisantes.

Dans le droit antérieur au 10 mai 1994, la décompilation n'était pas explicitement interdite en tant que telle. Cependant, étaient interdites, depuis la loi du 3 juillet 1985, "toute reproduction autre que l'établissement d'une copie de sauvegarde par l'utilisateur ainsi que toute utilisation d'un logiciel non expressément autorisée par I'auteur" ; ce qui permettait à ce dernier de faire obstacle à la décompilation.

L'article L.122-6-1 encadre très précisément le droit à la décompilation [19]. Ces dispositions, qui sont la transcription littérale de l'article 6 de la directive, constituent le résultat d'une longue négociation dans le cadre communautaire et reflètent - semble-t-il - un compromis de l'ensemble des professionnels intéressés (industriels constructeurs de matériel, sociétés de service informatique, auteurs et utilisateurs).

La décompilation n'est autorisée que si elle est "indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel créé de façon indépendante avec d'autres logiciels, ...". L'objectif ainsi recherché, selon les considérants de la directive européenne, "est de permettre l'interconnexion de tous les éléments d'un système informatique, y compris ceux de fabricants différents, afin qu'ils puissent fonctionner ensemble". L'interopérabilité ne se limite donc pas à la connexion du programme décompilé avec d'autres programmes.

La décompilation autorisée est soumise à trois conditions :

- elle ne peut être accomplie que par une personne ayant le droit d'utiliser le logiciel ;
- les informations nécessaires à l'interopérabilité ne doivent pas avoir été rendues facilement et rapidement accessibles à cette personne (par exemple par la documentation d'accompagnement du logiciel publiée par l'auteur) ;
- elle doit être limitée aux parties du programme d'origine nécessaires à l'interopérabilité.

L'utilisation de la décompilation est en outre soumise à trois restrictions :

- elle ne peut avoir d'autre fin que la réalisation de l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
- elle ne peut faire l'objet d'une communication à des tiers, sauf si celle-ci est nécessaire à l'interopérabilité ;
- elle ne doit pas aboutir à la mise au point, la production ou la commercialisation d'un logiciel dont l'expression est fondamentalement ("substantiellement" dit le texte de loi) similaire.

Il est à noter que cette dernière disposition qui permet de réprimer le piratage du logiciel décompilé n'interdit pas la mise au point d'un programme fonctionnellement concurrent pour autant que son expression ne soit pas substantiellement similaire.
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"Déplombage" d'un logiciel [21]

Le dispositif mis en place par la loi de 1994 dans l'article L. 122-6-2, s'inspirant d'un dispositif analogue existant en matière d'utilisation de détecteurs de métaux (cf. art. 2 de la loi du 18 décembre 1989 relative à l'utilisation des détecteurs de métaux), a pour objet de lutter contre l'utilisation illicite des moyens permettant la suppression ou la neutralisation des dispositifs techniques protégeant un logiciel, c'est-à-dire des moyens dits de "déplombage" de ce logiciel.

Le texte prévoit en effet que toute publicité ou notice d'utilisation concernant de tels moyens devra mentionner que leur utilisation illicite est passible des sanctions prévues en cas de contrefaçon, renvoyant à un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les modalités d'application de ce dispositif.

Il ne s'agit pas là d'une transcription pure et simple de la directive mais d'une application des dispositions prévues dans son article 7.1.c), qui laisse aux Etats membres le soin de prendre des "mesures appropriées" à l'égard des personnes qui mettent en circulation ou détiennent à des fins commerciales "tout moyen ayant pour seul but de faciliter la suppression non autorisée ou la neutralisation de tout dispositif technique éventuellement mis en place pour protéger un programme d'ordinateur".

Il est à noter que l'utilisation de tels moyens peut dans certains cas être licite, par exemple pour corriger des erreurs dans un logiciel ou pour procéder à sa décompilation. Une interdiction totale de la mise en circulation ou de la détention commerciale des moyens de "déplombage" ne pouvait donc être envisagée.
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Durée de la protection

La loi du 27 mars 1997, transposant les directives européennes des 27 septembre et 29 octobre 1993, allonge la durée de protection du droit d'auteur à soixante-dix ans après le décès de l'auteur, modifiant ainsi l'article L. 123-1 du CPI.

L'article L. 123-5 prévoyait, dans sa version initiale de 1985, que "pour un logiciel, les droits prévus par le présent code s'éteignent à l'expiration d'une période de vingt-cinq années à compter de la date de création".

Alors que le droit commun accordait aux oeuvres de l'esprit une protection pendant cinquante années, la loi du 3 juillet 1985 avait réduit de moitié celle accordée au logiciel à raison de la spécificité d'une création que l'on pouvait considérer comme se situant à mi-chemin de l'invention (protégée pendant vingt ans) et de l'oeuvre de langage. A l'examen, cette durée est apparue trop courte aux yeux de nombreux observateurs, eu égard aux investissements engagés et aux revenus comparés tirés de l'exploitation du logiciel.

Aussi la directive du 14 mai 1991 avait-t-elle souhaité prévoir une durée de protection sensiblement plus longue, s'établissant à cinquante années après le décès du créateur.

La loi du 10 mai 1994, qui transposait la directive, avait rétabli la durée de protection de droit commun de cinquante années pour les logiciels.
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