Cossmannia 

Géologie Néogènique du Cotentin : anciennes exploitations

Exploitation de Terres à Foulon de Hauteville, Reigneville et Orglandes (XIIème-XIXème siècle)

 

 

 

Situation des Extractions

 A.De Caumont en 1825 puis Vieillard et Dollfus en 1875 donnent des descriptions très précises des exploitations de Terres à Foulon du Cotentin. Les différentes exploitations se trouvent sur un périmètre extrêmement restreint se trouvant à la limite des communes de Reigneville, Hauteville et Orglandes.

-         Orglandes : le gisement est situé au lieu dit le hameau Beauvais, sur la route qui va du Sapin d’Orglandes aux landes d’Hauteville mais la carrière est maintenant rebouchée et plus aucune trace n’est visible.

-          Reigneville-Hauteville : le gisement était situé aux landes, à 600 mètres Ouest de la route Orglandes-Reigneville. On peut observer encore aujourd’hui dans les prés qui bordent la route les anciens fronts de taille.

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Extrait de la Carte Géologique de A.De Caumont- 1825                                      Exploitations de terre à foulon

 

Origine de la terre à foulon

Les terres à foulon du Cotentin sont des argiles smectiques d’âge Oligocène inférieur, et elles ont fait l'objet d'une extraction intensive dans toutes les communes citées précédemment. Elles se présentent sous la forme d’une argile la plupart du temps grise ou noire (parfois les anciens auteurs signalent leur passage au bleu, vert ou jaune) appelée dans toutes les littératures Argiles à Corbules de Rauville. Elle est en général très plastique, un peu marneuse, grasse au toucher et onctueuse et blanchit rapidement à l’air, s’exfoliant en perdant une partie de son humidité et devenant méconnaissable.

Origines de la mise en extraction 

 

Comme son nom l’indique, la Terre à Foulon servait au foulonnage. Le foulonnage ou foulage est une opération capitale dans la fabrication des draps, pièces et étoffes de laine. Elle consiste à pilonner la pièce tissée dans une cuve remplie d'eau mélangée à de la terre glaise, dite "terre à foulon". Ce procédé physico-chimique permet :

-         de dégraisser les draps et autres étoffes de laine, par absorption des huiles dont on a imprégné ces tissus pour faciliter les premières opérations de tissage ou de filature

-        de tasser et mêler intimement les fibres afin que la pièce acquière un aspect uni et feutré.
 Dès le XII ème siècle, les moulins à eau sont utilisés pour des usages artisanaux (moulins à tan, moulins à foulons). Dans le département de la Manche, près de 2000 sites de moulins ont été recensés et J.P LeHoussu a retrouvé trace de près de 1800 d’entre eux. Presque toutes les communes avaient un ou plusieurs moulins, les moindres ruisseaux étaient équipés ( Trottebecq, Divette, Douves, Merderet,…), mais par manque d’eau, ils ne pouvaient être utilisés toute l’année. A Tourlaville par exemple un moulin à foulon est installé  au village Toupin dès 1555, en contrebas de la rue des Alliés. En 1683, une manufacture de draps est créée au moulin Foulon par Robert de Franquetot, seigneur de Tourlaville et le curé Robert Jouenne. Il est loué à un maître drapier, responsable de la manufacture, ainsi qu ‘à plusieurs foulons de Cherbourg. Hervé deTocqueville, héritier du moulin en 1777 en fait don à son fils Edouard à l’occasion de son mariage en juin 1829. Edouard le vend à son frère Alexis en mai 1834 et celui-ci le cède quatre ans plus tard à Augustin Gohier, cultivateur et foulon à Tourlaville. L’acte authentique du 5 octobre 1838 en donne une description sommaire : »un bâtiment couvert en pierre contenant le moulin à foulon et une huilerie, chambre, cabinet et grenier avec un escalier en pierre extérieur, avec une pièce de terre, le tout situé au village du Toupin. » Le moulin à foulon fonctionne au moins jusqu’en 1856 mais ne sert plus qu’à la fabrication des droguets, étoffes brochées de soie, de laine ou de coton.

Le moulin à foulon traditionnel se compose d'un arbre à cames qui, entraîné par la roue hydraulique, fait retomber alternativement plusieurs maillets dans les cuves où baigne le drap. Le martèlement se répète plusieurs fois sur l'étoffe pliée, tantôt dans le sens de la longueur, tantôt dans celui de la largeur.

 

 

Vue en perspective du mécanisme d'un moulin à foulon traditionnel.

L'arbre à cames, entraîné par une roue hydraulique, fait retomber alternativement sur l'étoffe de lourdes piles de bois.

Extraction

L’exploitation des terres à foulons va se poursuivre jusqu’à la fin du XIX ème siècle. Les premiers écrits géologiques que nous ayons retrouvé sont ceux de A.De Caumont qui en 1825 signale dans son Mémoire Géologique l’exploitation des terres à Foulon à Hauteville et Orglandes. Il indique que cette argile renferme notamment des ossements de mammifères ( lamantins, hippopotames,…) et comporte un lit très mince de petites coquilles fossiles. A Hauteville, elle a parfois 12 à 15 pieds d’épaisseur, ce qui oblige les ouvriers à exploiter par galeries souterraines les marnes et faluns qu’elle recouvre. La plus grande exploitation est à Orglandes, et on vient en chercher de dix lieues ( 40 km ) à la ronde.

En 1875, Vieillard & Dollfus dans leur Etude Géologique décrivent une coupe relevée dans une exploitation de terre à foulon située à Hauteville. 

A.Courtois dans son ouvrage »Petite Géologie de la Manche «  édité en 1884 indique que l’exploitation d’Orglandes en expédie de grandes quantités par la gare du Ham ( Montebourg ), sur divers points du département.

Avec l’avènement des fouleuses mécaniques et des premières lessives, l’exploitation des terres à foulons va être abandonnée avant la fin du XIX ème siècle, ne laissant comme traces que les quelques champs bouleversés par les anciennes exploitations.

 

    

 

samedi 26 novembre 2005