Cossmannia 

Géologie Néogènique du Cotentin : anciennes exploitations

Exploitation des Tuf ou faluns de Sainteny, Picauville, Gorges et Nay (XIIème-XIXème siècle)

 

 

 

 

Situation des Extractions

 

Tous les anciens auteurs ( Duhérissier De Gerville en 1813, A.De Caumont en 1825 , Bonissent en 1870, Vieillard et Dollfus en 1875 ) donnent des descriptions des exploitations de Tuf qui se situent  dans deux bassins, l’un  situé à une vingtaine de km au sud de Carentan ( bassin de Sainteny ) et l’autre situé autour de Picauville.

Bassin de Sainteny : les principales exploitations sont situées sur les communes de  Gorges, Nay, Bléhon et Sainteny.

-         Gorges : le gisement est situé à droite de la route, peu au-dessus du marais

-         Nay : le gisement est situé près du cimetière, également peu au-dessus du marais

-         Sainteny : les anciennes exploitations sont situées au hameau de la Maugerie et aux fermes de Longueville, Ruffoville et de la Gilotterie

Bassin de Picauville : les principales exploitations sont situées :

-         Hameau de l’Angle : à 600 m Nord de la route Chef du Pont-St Sauveur, peu après la montée qui termine le marais, le falun a été extrait dans les pièces dénivelées

-         Hameau du Sort : à 500 m Est du précédent, l’exploitation était située au coin du chemin qui conduit au hameau des Ais.

Malheureusement plus aucun de ces gisements n’est actuellement visible, les anciennes exploitations ayant été toutes comblées.

 

Extrait de la Carte Géologique de A.De Caumont- 1825

Origine du tuf

Le tuf se présente sous la forme d’une roche calcaire, généralement très tendre, formée d’une accumulation de débris de coquilles fossiles (bryozoaires, mollusques,…) cimentés par une pâte calcaire agglutinante, d’âge Miocène supérieur. La couleur générale est blanche ou jaunâtre, on y observe de nombreux pores dans la masse qui ne présente aucune trace de stratification et le falun se durcit à l’air.

Origines de la mise en extraction 

L’extraction des tufs remonte à des temps immémoriaux. La pierre avait à la fois l’avantage d’être extrêmement poreuse et légère et également la particularité de durcir à l’air.

Duhérissier De Gerville, passionné par l ‘Archéologie de notre région, cite très souvent dans ses ouvrages le Tuf de Sainteny comme pierre utilisée pour la confection de sarcophages ou pour la construction de monuments  ou d’édifices religieux. Dans beaucoup de cimetières et autour de plusieurs anciennes chapelles du département (Valognes, Cherbourg, Blosville, Ecausseville, Couville,…) et dans plusieurs localités du Calvados, une quantité considérable de sarcophages a été retrouvée. Ils étaient constitués de pierre très légère, poreuse et grumeleuse, connue sous le nom de tuf ou tufeau dans le pays et dans plusieurs autres régions de l’ouest de la France.  Des pièces de monnaie trouvées dans certains sarcophages du Cotentin attestent qu’on y enterrait encore de cette façon au début du XIV ème siècle.

Bonissent dans son essai géologique indique que ce sont les carrières de Ruffoville et Longueville qui ont fourni l’immense quantité de pierres qui ont servi à la construction de la Cathédrale de Coutances et de l’Abbaye d’Hambie.

Enfin très récemment J.Deshayes ( 2003 ) a réalisé un très bon travail de reconnaissance des techniques de construction des églises de la région, où il démontre que finalement une partie des matériaux utilisés pour la construction de certains ouvrages provenaient de la récupération d’éléments extraits sur des débris de sépultures. Il confirme également comme le signalait déjà Bonissent que certaines constructions étaient construites par l’apport de matériaux neufs provenant des exploitations, tant la quantité importante de pierre débitée ne pouvait provenir du seul pillage de nécropoles antérieures.

Extraction

Quelques carrières de tuf sont encore exploitées au début du XIX ème siècle et Duhérissier De Gerville, à l’occasion d’une excursion dans la région d’extraction de Sainteny, nous en décrit ce qu’il y vit.

Les exploitations sont presque au niveau des marais, ce qui empêche l’exploitation avant le mois de septembre. Le tuf se présente sous forme d’un falun pétrifié qui ne présente aucune stratification, ce qui rend son extraction singulière. Les ouvriers doivent d’abord avec un instrument tranchant couper perpendiculairement tout à l’entour de la masse qu’ils veulent enlever. Ils la coupent ensuite par-dessous, de manière à pouvoir y introduire et fixer des leviers, qui n’éprouvent alors qu’une faible résistance. Ils obtiennent ainsi des blocs considérables dont certains peuvent d’une seule pièce faire les jambages des portes les plus élevées.
Le matériau étant très tendre et friable lors de l’extraction, la taille ne nécessite pas d’outillage perfectionné. Sa porosité rend la pierre légère, mais comme elle durcit rapidement à l’air, la taille définitive de la pierre devait être réalisée rapidement in-situ.

L’extraction de la pierre est limitée à l’époque de l’année où les eaux sont basses, et comme c’est la seule pierre propre à bâtir qui existe dans cette partie du département, les maisons dans cette région sont généralement en terre, seules celles des gens aisés ont des cheminées et des encoignures de tuf.

Vieillard et Dollfus en 1875 ne signalent plus que Bléhou comme faisant encore l’objet de l’extraction de quelques pierres et Picauville pour l’extraction des faluns de la couche supérieure plus tendre pour l’amendement des sols, les autres exploitations étant pratiquement toutes abandonnées ou comblées.

L’exploitation des tufs va être abandonnée avant la fin du XIX ème siècle, ne laissant pratiquement plus de traces des anciennes exploitations.

 

    

 

dimanche 28 août 2005